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Rien ou presque ne destinait la joueuse de 25 ans à percer dans le foot. Ancienne tenniswoman de niveau provincial, Vanessa Gilles s’est logiquement inscrite dans le programme de tennis de l’école Louis-Riel à Ottawa. Mais l’aventure a été écourtée, la faute à un emploi du temps démentiel, entre les entraînements quotidiens de 12h30 à 19h et les voyages à Toronto le week-end pour les tournois. « J’ai tout simplement réalisé que le tennis n’était pas un sport pour moi, se souvient la Canadienne, qui a passé une grande partie de son enfance à Shanghai, son père étant gérant d’un hôtel. Ma personnalité ne se mariait pas trop avec la mentalité d’un sport individuel. » Exit la balle jaune donc, pour un ballon plus gros, au grand désarroi des parents qui avaient investi tant de temps et d’argent. Mais l’appel du foot était trop fort, dans le sillage d’un frère aîné jouant depuis quelques années déjà.
Des courts… aux cages
À Louis-Riel, Vanessa Gilles commence donc le foot à 14 ans, sous l’aile de Joé Fournier, son entraîneur de l’époque. « Dès son arrivée, j’ai été impressionné par sa force de caractère, qui est forcément plus développée lorsqu’on vient d’un sport individuel, se souvient son premier entraîneur. C’est plus facile de surpasser ses obstacles personnels. D’ailleurs, cela m’a surpris qu’elle joue au tennis aussi longtemps. Elle avait également un bagage physique plus impressionnant que les autres filles et elle était très à l’aise socialement. En revanche, la technique n’était vraiment pas son fort. Elle a même avoué qu’elle n’arrivait pas à faire une passe à dix mètres. » Un constat partagé par la principale intéressée : « Je ne pouvais pas faire grand-chose avec mes pieds, sauf envoyer le ballon en dehors des limites. »
Après une adaptation rapide, Vanessa Gilles trouve sa place… dans les cages. Joé Fournier et son staff se rendent à l’évidence, l’adolescente possède une bonne explosivité, la rapidité et de bons mouvements latéraux. « Après deux mois à ce poste, notre entraîneur des gardiennes est venue me voir. Elle m’a expliqué que Vanessa avait toutes les qualités pour évoluer dans l’équipe provinciale au championnat national, poursuit Joé Fournier. Quelques jours après, Vanessa m’a dit : « Coach, je n’ai aucun intérêt à devenir gardienne de but. » En tant qu’entraîneur, j’étais déçu, car on avait une gardienne, et c’était difficile d’en avoir une. J’ai comparé Vanessa à un yacht. Là, c’était comme si le yacht venait de couler. »
C’est donc tout naturellement que l’ancienne gardienne migre en défense centrale, son poste actuel, seulement quelques mois après ses débuts dans le foot. Pendant quatre ans, la future Bordelaise met beaucoup d’énergie pour s’améliorer et gravir les étapes avec son équipe d’Ottawa Capital United SC, puis à l’université avec les Bearcats de Cincinnati, où la joueuse poursuit en parallèle des études en justice pénale. « On s’est un peu perdus de vue après son départ pour la fac, confie Joé Fournier. Pendant quatre ans, j’ai pu travailler avec une personne exceptionnelle, l’athlète la plus forte que j’ai vue. Son parcours méritait déjà le respect avant son titre olympique. Je la cite souvent en exemple aux générations qui arrivent, tout comme Jonathan David, qui est passé à Louis-Riel et qui s’est envolé en France, lui aussi. »
Joue-la comme Megan
À l’université, Vanessa Gilles commence à se pencher sur la question de l’égalité dans le foot féminin. À travers son parcours (Apollon Limassol à Chypre, puis Bordeaux depuis 2018), la joueuse essaie de trouver des réponses avant de faire un discours remarqué devant l’ONU le 20 mars 2019. Alors que les Girondines étaient en tournée nord-américaine, une joueuse allait être choisie pour intervenir au siège social de l’ONU, à New-York. Le choix s’est donc tourné vers la numéro 4, véritable globe-trotter de l’équipe. « Je suis reconnaissante que le club m’ait choisie. Grâce à mes expériences, j’ai vu qu’en France, un quart des joueuses en D1 peuvent vivre du foot. Mais dans d’autres pays, comme l’Italie, où il y a un bon championnat, elles sont moins nombreuses à vivre de leur sport » , explique l’internationale canadienne.
À l’occasion de la 63e session de la Commission sur le statut de la femme, Vanessa Gilles a donc pu défendre son point de vue pendant 15 minutes. Dans son discours, elle a notamment appuyé l’idée que les différences s’observent dès l’université, « où les hommes ont 700 fois plus de chances de devenir sportif professionnel que les femmes » . Cette intervention devant l’un des organismes les plus influents au monde a donné une petite idée à The Magnet (surnom donné par ses coéquipières, NDLR) : devenir un symbole dans l’égalité du football féminin, à l’instar de Megan Rapinoe. « Son engagement ne me surprend pas du tout. Quand elle était à Louis-Riel, elle savait déjà où était sa place. En tant que débutante, elle était respectueuse et comprenait son rôle. Comme elle débutait dans le foot, elle n’empiétait pas sur le terrain des plus techniques. Ce fait d’armes a participé à ses engagements futurs » , soutient son ancien entraîneur à Ottawa. Alors que la joueuse multiplie les actions communautaires en Gironde, elle compte bien devenir une voix qui porte pour défendre les intérêts du football féminin. Tout en continuant à se gaver de baguettes et de croissants et à évoluer dans un championnat qui lui va comme un gant et dans lequel les Girondines espèrent jouer une nouvelle fois les premiers rôles. Et ça, Joé Fournier ne veut pas en louper une miette.
Par Analie Simon
Propos de Joé Fournier recueillis par AS, ceux de Vanessa Gilles issus de BeSoccer et Le Droit.