Sorare : "On souhaite créer le prochain géant de l'entertainment sportif "
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Sorare est en quelque sorte un Panini numérique. Le principe de collection de cartes de joueurs n’est pas nouveau, mais on l’a actualisé avec une technologie utilisant les NFT – des objets numériques infalsifiables – qui nous permet de créer des cartes de joueurs numériques échangeables en toute sécurité, avec différents niveaux de rareté et pouvant être utilisées dans un jeu. Le jeu peut rappeler un MPG ou un Fantasy Premier League, mais la différence, c’est qu’on joue avec 5 cartes pouvant venir de n’importe quel championnat, contre des joueurs du monde entier. Par exemple, on peut aligner José Fonte en défense, Ronaldo en attaque et un joueur de J-League comme goal. Si nos joueurs ont été performants lors de leurs matchs réels, on peut gagner de nouvelles cartes.
Vous venez de réaliser une levée de fonds record (680M$), la plus importante jamais faite par une start-up française. Quel est votre objectif ? Pourquoi un tel montant ?
Si on fait cette levée de fonds, c’est parce qu’on souhaite créer le prochain géant de l’entertainment sportif. Notre but est de créer de la connexion entre des joueurs, des footballeurs et des clubs, via nos cartes. Après, nous réfléchissons à de nouveaux usages chaque jour. Par exemple, nous avons récemment organisé un tournoi sur la plateforme à l’issue duquel le gagnant obtenait une carte NFT de Gerard Piqué avec un week-end tous frais payés à Barcelone pour voir un match au Camp Nou. On construit une expérience qui s’adosse à une carte, l’idée est de créer un lien entre le digital et le monde physique. Prochainement, notre but est d’intégrer les vingt plus grandes ligues de foot mondiales et les cinquante principales fédérations (la FFF a signé un partenariat en juin 2021, NDLR) et pourquoi pas de s’ouvrir à d’autres sports. En ce qui concerne le montant, je pense que les investisseurs ont souhaité parier sur l’avenir et l’équipe : il y a un potentiel pour développer un géant dans l’écosystème sportif à travers la technologie des NFT.
Il y a une grosse dimension de scouting dans le jeu, Jonathan David était d’ailleurs bien connu sur la plateforme avant même la saison où il explose à La Gantoise. Est-ce que les apprentis recruteurs sont un profil que vous retrouvez chez vos joueurs ?
Bien sûr. Griezmann est investisseur dans Sorare et il a beaucoup aimé y retrouver la logique de Football Manager, auquel il jouait déjà. Les joueurs de FM adorent Sorare, car il y a le but de dénicher des joueurs méconnus dans les ligues japonaises, péruviennes, argentines… Cette dimension de scouting est très forte. Cela permet de développer l’intérêt pour des ligues méconnues, aux petits clubs de développer une audience et de mettre en lumière leurs joueurs. Après, contrairement à un FM, où on va regarder les simulations, Sorare se calque sur les performances réelles du joueur dans le jeu, et cela permet à un club de Linz ou Tokyo de se créer une nouvelle fanbase. On a eu plein d’histoires d’utilisateurs devenus fans d’un club grâce au jeu : un utilisateur américain a fait un aller-retour en Russie pour aller voir un match du Zénith, car il avait acquis 3 cartes de joueurs du club !
Sorare est un excellent moyen pour les clubs de toucher de nouveaux publics ou de développer leur marque. Mais est-ce que ça ne renforce pas encore la logique de spéculation et la pression entourant les jeunes joueurs ?
Je ne pense pas. Le même débat pourrait faire rage sur Football Manager. Le jeu a créé tout un tas de « pépites » , je ne sais pas si ça a influé sur leurs performances… Pour percer quand tu es joueur, il y a plein d’autres étapes à franchir.
Peut-être qu’il y aura des « pépites » Sorare qui auront déçu dans quelques années comme celles de Football Manager…
C’est peut-être ce qui arrivera, et c’est la logique qui va avec le scouting, mais ce n’est pas si grave en soi : quand quelqu’un choisit un jeune joueur sur ce type de jeu, je pense qu’il s’y identifie d’une certaine manière ! Tout fan de foot a en lui cette part de footballeur inachevé.
Les cartes de joueurs se vendent d’ailleurs parfois très cher – plusieurs centaines de milliers d’euros pour des joueurs comme Mbappé ou Ronaldo. Pourquoi les montants atteints sont-ils aussi élevés et est-ce que ça ne va pas encore dans le sens du tout-payant pour les fans de foot, qui doivent sans cesse payer pour regarder leur équipe et afficher leur appartenance ?
Avec les NFT et les différents tirages de cartes sur Sorare, il y a toujours eu cette logique de rareté. Selon l’offre et la demande sur les joueurs, le prix peut donc varier. Après, notre objectif, c’est de faire un jeu accessible à tous. On fait attention à ce que le jeu soit le plus accessible possible et on développe un mode de jeu 100% gratuit. En ce qui concerne la logique du tout-payant en foot, ce n’est pas du tout notre idée. Nous sommes beaucoup plus centrés sur l’usage, et les NFT sont avant tout un moyen de développer un jeu plus que pour spéculer. Actuellement, certes, nous séduisons surtout des gens très attirés par l’aspect statistique du foot, mais on essaie toujours de faire abstraction au maximum de la couche de complexité qui peut être engendrée par les NFT et leur technologie. Après, le jeu est encore récent, et on espère progressivement attirer un public plus large. C’est un travail pour les années à venir, et la levée de fonds nous aidera.
C’est donc la possibilité d’utiliser les cartes dans un jeu qui garantit leur valeur financière, alors qu’elles sont finalement 100% virtuelles ?
Il y a en effet une valeur liée à l’usage, car les cartes servent à jouer dans les ligues, mais il y a aussi une valeur de collection. On vend des cartes Légende qui n’ont aucune valeur d’usage, et elles partent également pour plusieurs centaines d’euros : il y a beaucoup de gens qui collectionnent, y compris des objets virtuels. Ce n’est pas étonnant, la collection permet de développer une identité, de marquer son identification à quelque chose. La logique est la même avec une œuvre d’art : en acquérant une œuvre, le propriétaire va vouloir s’identifier comme un amateur de tel courant ou tel peintre, même si cela peut paraître comme un signe extérieur de richesse. Sorare est un peu un passeport digital sur le foot : si un joueur veut montrer qu’il est fan de l’Albiceleste ou de Naples, il pourra acheter une carte de Maradona par exemple.
Certains parlent d’une bulle des NFT ou des cryptomonnaies, qui utilisent tous deux la blockchain. Y-a-t-il des risques pour Sorare ?
En ce qui concerne la spéculation autour des NFT, la possibilité d’utiliser la carte dans des ligues la diminue, et nous sommes beaucoup moins exposés que d’autres projets. Nous nous voyons d’ailleurs plus comme un jeu de football que comme une plateforme qui vend des NFT. Les cartes sont aujourd’hui principalement pensées en euro, on peut les acheter en monnaie réelle, même si on peut toujours les acheter en Ethereum (une des principales cryptomonnaies, NDLR). À terme, notre projet est de passer sur un stablecoin, une cryptomonnaie stable et indexée sur le dollar, insensible aux fluctuations des cryptos.
Vous comptez comme investisseurs Griezmann, Piqué, Bierhoff ou Rio Ferdinand. Qui a la meilleure équipe dans le jeu ?
(Rires.) C’est Griezmann ! Il a Maarten Vandevoordt de Genk, une grosse pépite et un beau Hall of Fame avec Mbappé. Il a aussi sa propre carte !
Propos recueillis par Victor Launay