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Pol Lirola, la Botte secrète de l'OM

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Cette histoire ne dit pas si un jeune Espagnol a appris à prendre son caffè plutôt ristretto que con leche. Elle ne dit non plus si le catenaccio a remplacé dans ses paramètres le tiki-taka. Parce que cette histoire va au-delà des stéréotypes. Ce sont les armoiries espagnoles qui ornent la couverture du passeport de Pol Lirola, mais c’est bien l’Italie, où il a atterri à 17 ans, qui lui a permis d’écrire les plus belles pages de son histoire de footballeur pro. Et s’il fréquente encore sa Catalogne natale pour rendre visite à sa famille ou participer à quelques fêtes (clandestines), c’est de l’autre côté des Alpes que l’Olympique de Marseille a dû aller le débusquer à deux reprises. La première, pour un prêt en janvier 2021 ; la seconde en toute fin de mercato pour lui mettre définitivement le grappin dessus. Au plus grand bonheur des supporters phocéens, mais aussi de son coach, Jorge Sampaoli. « C’est un garçon qui peut jouer comme latéral, ailier en phase offensive et se réaxer lorsque c’est nécessaire. Sa formation a fait de lui un joueur polyvalent » , se réjouit aujourd’hui le technicien argentin, qui met à juste titre l’accent sur la formation, car c’est en partageant son temps entre deux des rives de la Méditerranée qu’il est devenu le joueur qui anime désormais avec tant d’énergie le couloir marseillais.

L’Espanyol et le Catalan

Pol Mikel Lirola Kosok voit le jour le 13 août 1997 dans la modeste bourgade ouvrière de Mollet del Vallès. Fils d’un éducateur spécialisé et d’une mère officiant dans un atelier de fabrication de thermomètres, le talent de l’adolescent fait monter la température, climatise déjà ses adversaires, mais ne lui permet pas de s’en sortir. En Catalogne, les structures de renom ne manquent effectivement pas, mais ni la Cornellà, ni le Damm ne lui offrent sa chance. À 13 ans, poussé par son père Miquel, c’est finalement du RCD Espanyol que vient le salut. « La première fois que je l’ai vu, j’ai directement été impressionné par son envergure, se souvient Lluís Planagumà, l’un de ses premiers formateurs chez les Pericos. Pol était en pleine croissance, mais déjà bien formé. Il devait déjà mesurer un bon mètre 72 à cette époque. » Malgré sa taille, sa vitesse fait la différence. « Il courait très, très vite. Nous avons donc décidé de l’installer dans le couloir droit, d’abord en tant qu’ailier, précise le technicien. Au départ, il devait uniquement évoluer avec les Juveniles A (catégorie mêlant U16, U17 et U19 en Espagne, NDLR). Mais son nom et ses performances revenaient sans cesse auprès de la direction. On l’a donc fait monter en équipe réserve, qui évoluait en D3, à ses 16 ans. » Le destin est en marche.


Loin des standards locaux du petit gabarit manieur de ballon, l’adolescent détonne. Parmi les plus jeunes de sa promotion et aux côtés d’Éric Bailly, Marc Roca ou encore Joan Jordán, Pol Lirola fait ses classes, doucement. Les montées en équipe réserve ne l’affolent pas, les retours en U19 ne le déçoivent pas. « Face à moi, j’avais un garçon mature, en confiance. Ce n’était absolument pas de l’arrogance, il savait simplement que tôt ou tard, sa chance arriverait » , insiste Planagumà. Et parfois, mieux vaut tôt que jamais. Remarqué et remarquable, l’Europe ne tarde pas à faire les yeux doux au Molletense. « Les scouts de City étaient sérieusement intéressés par Pol. Mais à l’Espanyol, on ne voulait pas le griller » , conclut son formateur. Le départ du prodige devient pourtant inéluctable. « Je sortais de la douche après un match et j’ai trouvé mon agent discutant avec un scout de la Juve. On m’a alors annoncé que les Turinois avaient fait une offre à l’Espanyol et que le club ne me retiendrait pas » , déclarait Lirola à la Gazzetta dello Sport. La Juventus se montre persuasive, mais l’intéressé appréhende le grand départ. « Il demandait énormément de conseils. Il voulait être certain à 100% de faire le bon choix, se souvient Planagumà. Personnellement, je n’étais pas contre un départ en Italie. On a souvent tendance à mettre en avant des clubs tels que Dortmund ou l’Ajax, mais ce que fait la Juventus pour la formation, c’est d’un tout autre acabit. J’étais très content pour lui. » Point d’orgue d’une idylle romantique, le dernier but qu’il inscrira sous la tunique bleu et blanc sera face aux jeunes du Barça, à l’occasion d’un Derbi barceloní.

Un ado chez la Vieille Dame

Logé dans l’un des hôtels du club, dédié à l’accueil des joueurs étrangers et loin des plages de Canet de Mar, l’Espagnol assume vite ses responsabilités malgré son innocence enfantine. « Il partageait sa chambre avec Grigoris Kastanos (international chypriote, NDLR), qui était arrivé un an auparavant. C’était une situation amusante. Pendant un temps, l’un ne comprenait rien à ce que l’autre racontait. Je ne sais même pas en quelle langue ils se parlaient, plaisante Carlos Blanco Moreno, son coéquipier à l’académie, venu lui du Barça. De mon côté, j’essayais de l’aider à prendre ses marques. Je lui expliquais par exemple que contrairement à nous, les Espagnols, les Italiens étaient assez ponctuels. Il pouvait donc dire au revoir aux siestes de l’après-midi. » Freiné par une situation administrative l’empêchant d’obtenir son permis de travail, Lirola se résigne à se tenir loin des terrains durant près de trois mois. Privé de football et de la présence de sa sœur Tamara restée en Espagne, Pol ne se décourage pas. À défaut de travailler ses jambes, il muscle son cerveau. « En quelques semaines il se débrouillait déjà en italien, dévoile Yoan Severin, camarade français de promo. Il me disait : « Je suis latéral. Si je ne sais pas parler à mes coéquipiers, je suis mort. » Son intelligence était son arme principale. »

Mieux, l’Espagnol voit débarquer au club un compatriote du nom de Pablo Longoria, intronisé responsable du recrutement. « Dès son arrivée, Pol est devenu essentiel à la Primavera. À 18-19 ans, il occupait déjà une position hybride dans le couloir, précise Carlos Blanco Moreno. Je devais quelques fois le tempérer et lui demander de se décoller de la ligne de touche ou de ne pas trop se précipiter vers l’avant. Le coach aussi travaillait énormément avec lui. » Le coach en question ? Fabio Grosso, qui en connaît un rayon sur les couloirs. La légende italienne encadre son poulain et en fait très vite une pièce maîtresse. « Pol avait vite atteint sa taille adulte, 1,83m, et s’interrogeait sur sa masse physique, se rappelle Yoan Severin. Heureusement, monsieur Grosso veillait sur lui et rabâchait : « J’ai fait toute ma carrière en tant que latéral, en mesurant 1,90m. J’ai même accessoirement été champion du monde. Donc si moi, j’ai réussi à le faire, alors n’importe qui peut y arriver. » Il lui faisait faire des courses à haute intensité ou des centres à une touche. » Lirola apprend, façonné par les entraînements et les vidéos de Philipp Lahm, son modèle absolu.

En Pol position

Devenu le rouage essentiel d’une promotion juventina proche de l’excellence, Lirola pèse de tout son poids sur un « jeu qui penchait tout le temps dans le couloir droit » , d’après Severin. « Dès qu’un espace s’ouvrait, Pol tapait son sprint habituel et boom : Transversale côté droit pour le lancer. Ça devenait mécanique. » Vainqueur du prestigieux Tournoi de Viareggio en 2016, le Catalan clôt la saison 2015-2016 avec 37 matchs, 3 buts et 9 passes décisives. « Massimiliano Allegri n’a pas tardé à nous solliciter avec l’équipe première. Nous avons fait plusieurs entraînements, puis la présaison en Australie » , raconte Blanco Moreno. « Il impressionnait tout le monde. On l’appelait même baby Lichtsteiner » , poursuit Yoan Severin. Et pour cause. Les deux hommes s’apprécient, et le Suisse n’hésite pas à prendre de son temps pour prodiguer des conseils défensifs à son protégé. Aux côtés du Lucernois, Lirola apprend à « salir son short » et à ne pas perdre.


Cet été 2016 sera cependant son dernier sous la tunique bianconera. Sans réelles garanties de temps de jeu l’année suivante, l’Espagnol prend la direction de Sassuolo, d’abord en prêt. « Le seul regret que j’ai eu quant à ce transfert, c’est de ne pas avoir pu côtoyer Dani Alves » , lâchera-t-il. Désiré par Eusebio Di Francesco, le jeune s’éclate. Vingt-neuf rencontres disputées pour sa première saison chez les grands, puis la découverte de la Coupe d’Europe, marquée d’une réalisation inoubliable. Face à l’Athletic Club, Pol fait en effet du Lirola. Slalomant sur cinquante mètres dans la défense basque, il ajuste le grand Iago Herrerín d’un plat du pied soyeux. Intégré au système d’une formation sassolesi bien décidée à jouer les trouble-fêtes en Serie A, il découvre naturellement la joie de la sélection espoir.

Vers l’infini et la Roja

Mais après seulement deux capes avec la Rojita et un titre de champion d’Europe U21 durant lequel il ne dispute aucune minute, l’appel de l’étranger se fait à nouveau entendre. Consciente du potentiel, la Deutscher Fußball-Bund vient effectivement aux nouvelles. Car du côté maternel et de la famille Kosok, Pol est allemand. Une origine rarement évoquée, mais dont il n’est pas peu fier, en témoigne sa maîtrise de la langue de Goethe. La séduction venue d’outre-Rhin échoue, et en club, un ultime passage mitigé à la Fiorentina, dont on retiendra son association avec Franck Ribéry, ouvre finalement la voie à l’aventure marseillaise. Priorité d’un Pablo Longoria rencontré six ans auparavant, le latéral entame désormais un chapitre essentiel. « Il était titulaire à la Juve, à Sassuolo et à la Fiorentina. Qu’est-ce qui l’empêcherait de s’imposer à Marseille maintenant ? » avance Carlos Blanco. Même son de cloche chez Lluís Planagumà qui voit même plus haut : « La prochaine étape, c’est l’équipe nationale. Hormis José Luis Gayà, je ne lui vois pas vraiment de concurrent de son côté. » La Marcha Real pourrait donc être le prochain tube entonné par Pol Lirola, quand il sera enfin prophète en son royaume.

Par Adel Bentaha
Tous propos recueillis par AB sauf mentions.

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