Lens-Lille : le sens de la défaite
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Une habitude qui s’installe
Certes, les cas de figure sont différents à chaque fois. À Nice, la confrontation a opposé ultras niçois et joueurs marseillais. Samedi, il s’agissait d’une configuration plus « traditionnelle » : des fans rivaux ont, au bout de plusieurs heures et jours de provocations, fini par vouloir en venir aux mains et régler cela directement. Bref, de remporter leur propre « derby » . Chacun se présentera ensuite en victime, affirmera que c’est les autres qui ont commencé, la routine est connue. Mais au vu de l’ampleur prise par ces violences qui ont fait six blessés légers, impossible de ne pas imaginer que tout le monde était dès le départ dans les starting-blocks. Ce sentiment de durcissement dans les virages et kops survient étrangement alors que, dans le même temps, des dispositifs d’autorisation encadrée des fumigènes étaient expérimentés en Ligue 2 (notamment à Toulouse). Un exemple parmi d’autres des progrès réalisés et des avancées obtenues par l’Instance nationale du supporterisme sous l’égide du ministère des Sports. Même constat du côté des directions qui n’ont jamais donné autant l’impression de rechercher le dialogue, même si on en mesure aujourd’hui les limites. Au sortir d’une phase de pandémie où le mouvement ultra avait plutôt montré un visage positif à travers l’expression de solidarité envers le personnel soignant ou son acceptation des huis clos en raison de la Covid-19, le retour à la réalité des terrains est rude.
Des causes, des coupables ?
De nombreux facteurs peuvent être invoqués ou convoqués. La crispation sociale, tangible dans tout le pays après plus d’un an et demi de crise sanitaire (confinement, couvre-feu, etc.) et de ses prolongements actuels (pass sanitaire, par exemple), se manifeste de plus en plus concrètement. Y compris d’un point de vue psychologique. L’ambiance générale et les évolutions au sein de la société touchent ainsi forcément les tribunes. La catharsis du match pour les supporters et ultras, après une si longue absence, devient davantage un exutoire collectif ou individuel. Ensuite, à force de surjouer en permanence les derbys, les matchs à enjeux, pour valoriser une Ligue 1 qui cherche à se vendre plus et mieux après le naufrage Mediapro, peut-on s’étonner que celles et ceux qui considèrent ce type de rencontre comme exceptionnelle depuis toujours prennent finalement les choses au sérieux, trop au sérieux, au point de franchir « la ligne rouge » mentionnée après Nice-Marseille par Roxana Maracineanu ? Enfin, prend-on vraiment en amont les dispositions nécessaires, au vu de ce contexte particulier, au sein des clubs et des services de maintien de l’ordre ? Chaque journée semble déjà promise à ce type de situation. Que se passera-t-il lors de PSG-OM ? Lors de Lyon-ASSE ? Cette problématique dépasse largement la question du hooliganisme stricto sensu et pose derechef le rôle de la DNLH (Division nationale de lutte contre le hooliganisme).
La commission de discipline pourra se réunir autant qu’elle le souhaite, ménager la chèvre et le chou, enlever des points, imposer des huis clos, le remède ne réside pas dans la peur des sanctions. Les supporters prêts à en découdre, que ce soit sur un coup de tête ou de sang, comme l’avait expliqué un fan niçois après Nice-OM, ou tout simplement par envie d’exister après un si long silence contraint, ne s’arrêteront pas devant pareille menace brandie « d’en haut » . La dernière leçon que l’on peut en tirer s’avère finalement la plus profonde. Si par le passé, chaque saison a eu son lot d’envahissements de terrain souvent joyeux et parfois violents (rappelons le cas des Lillois de mars 2018 qui s’en étaient pris à leur propres joueurs par exemple), désormais, la sacralisation du rectangle vert, qui rendait le sacrilège si symbolique, semble avoir perdu de sa superbe et de son rôle totémique. Le pire dans tout ça, c’est que personne ne semble détenir le secret de la solution miracle. Car cela va bien au-delà du foot.
Par Nicolas Kssis-Martov