Tactique : le Paquetá déballé
[ad_1]
Le bélier de Bosz
Questionné au cours de la saison dernière, Rudi Garcia, son coach de l’époque, avait lui aussi souligné le caractère « collectif et généreux » de Paquetá tout en appuyant sur sa capacité à « donner le ton » et à emmener « tout le monde derrière lui » . Il se raconte que l’international brésilien a toujours eu ça dans son jeu, depuis ses premières parties sur la plage avec son frère Matheus à Milan, où il n’a malgré tout jamais réussi à se délester de trois choses : son statut de « nouveau Kaká » , le prix de son transfert (38,5 millions d’euros) et le poids des attentes qui ont logiquement suivi les deux premiers éléments. Sur quelques instants, pourtant, il avait déjà été possible de détecter un sens de la passe aiguisé et une grosse capacité à enchaîner les efforts, deux critères essentiels aux yeux de son actuel guide à Lyon, Peter Bosz. La saison dernière, Lucas Paquetá n’avait alors eu besoin que de quelques rencontres pour faire glisser les quelques sceptiques au fond de sa poche et pour conquérir un effectif heureux de trouver un joueur équilibrant. Cette saison, après un été pourtant chargé, il ne fait pour le moment que marcher sur l’eau et a déjà marqué, entre autres, trois buts en six journées tout en évoluant dans plusieurs rôles.
Le premier élément qui marque lorsqu’on évoque Paquetá, et qui a notamment estomaqué Thierry Henry au micro de Prime Vidéo dimanche soir, est évidemment son activité sans ballon. Le Brésilien n’est pas qu’un meneur de jeu au sens classique du terme, c’est un meneur de jeu comme peut l’être un batteur dans un groupe de rock : il dicte le tempo, tient la structure d’ensemble et lui donne des couleurs. C’est John Bonham avec des crampons et un short. Après six journées de Ligue 1, il est ainsi le troisième joueur du championnat qui a réussi le plus de tacles (14, autant que Jean Lucas et Jean-Ricner Bellegarde, juste derrière Romain Thomas et Fabien Lemoine) et est le deuxième joueur lyonnais qui chasse le plus les adversaires derrière Maxence Caqueret (109 pressions depuis le début de saison, dont 40 réussies, personne ne fait mieux dans l’effectif de l’OL).
Exemple d’un ballon parfaitement récupéré face à Brest, lors de la première journée, où il parvient parfaitement à utiliser ses appuis pour passer sa jambe gauche devant Hiang’a Mbock…
… pour ensuite lancer une transition offensive et lancer Toko-Ekambi.
Au Parc, dimanche, on a évidemment retrouvé ce Paquetá mordant, notamment sur Idrissa Gueye, qui a été sa cible désignée du soir.
Cette séquence permet de mettre en lumière ce que l’OL a tenté de mettre en place sans ballon dimanche soir (sans toujours réussir à le tenir) : Slimani a été chargé de couper la relation entre Marquinhos et Kimpembe, Toko-Ekambi (aligné à gauche) s’est occupé de défendre sur son latéral (Kehrer) côté ballon, là où il venait se recentrer (comme Shaqiri le fait ici en bas de l’écran) lorsque le jeu était à l’opposé. Au milieu, prises individuelles sur le duo Herrera-Gueye et un troisième membre (ici Caqueret, mais plus souvent Guimarães) pour contrôler les décrochages de Messi. Ici, Paquetá va anticiper la passe de Kehrer vers Gueye…
… le Brésilien va d’abord venir aider à fermer toutes solutions de jeu vers l’avant avec Caqueret…
… puis va chasser côté opposé et récupérer le ballon.
Toujours à Paris, en début de match, on l’a également vu s’offrir une course d’une trentaine de mètres pour récupérer un ballon dans les pieds de Kylian Mbappé…
… puis enchaîner avec un lancement dans la profondeur pour Slimani.
Autre situation, face à Clermont, qui met en lumière la qualité d’anticipation de Paquetá. Ici, son interception va déboucher sur une occasion directe pour l’OL.
Plus jeune, Lucas Paquetá s’est souvent écharpé avec son père au sujet de cette implication défensive que le paternel jugeait excessive. « Il me disait que j’avais les caractéristiques d’un numéro 10, soufflait le joueur, toujours à L’Équipe. Mais moi, même si j’étais tout petit, que je faisais deux têtes de moins que les autres, je voulais aller au combat. Je voulais lutter contre les costauds. » À 24 ans, cet amour de la bagarre (c’est le Lyonnais qui commet le plus de fautes) est plus un cadeau qu’autre chose, d’autant que Paquetá réussit souvent à maintenir l’intensité tout au long des rencontres.
L’homme aux 1000 idées
Arrivé à Lyon avec la volonté de ne pas se coller la pression comme il avait pu le faire à Milan, celui qui a été convaincu à l’époque par la cour de Juninho a évidemment amené en France ses autres outils : sa qualité d’ouvreur d’espaces capable de faire souffrir des adversaires souvent marqués par la solidité de ses appuis, ses quelques extravagances, sa justesse dans la dernière passe et dans la finition, sa capacité à se déguiser en planche lorsqu’une situation le demande, sa force dans les duels aériens… Utilisé en ailier intérieur ou en 10 dans un 4-2-3-1, Lucas Paquetá est probablement aujourd’hui l’élément le plus complet de Ligue 1 dans son rôle, un homme aux 1000 idées, et c’est avant tout ce que son début de saison vient confirmer.
Première situation (contre Brest) : Paquetá est trouvé dos au jeu, serré de près par Mbock. Il va alors utiliser son corps pour protéger le ballon, mettre son adversaire direct à distance…
… puis progressivement tourner autour de lui…
… pour faire ensuite avancer le jeu.
Deuxième situation (contre Clermont) : alerté par Bruno Guimarães, toujours aussi brillant avec le ballon, Paquetá saute dans l’espace libre devant Arial Mendy et va se caler dos au latéral clermontois…
… il peut ensuite servir Moussa Dembélé en une touche. Au bout, l’attaquant de l’OL butera sur Arthur Desmas.
Troisième situation (toujours contre Clermont) : alors que Da Silva trouve Dubois le long de la touche, Paquetá démarre son appel et anticipe déjà le coup d’après…
… Dubois peut donc le trouver. La suite est un régal…
… Paquetá enclenche un premier une-deux…
… puis un second…
… et un troisième…
… avant de finir le boulot.
Quatrième situation : dans les airs, le Brésilien est aussi redoutable (près de 70% de duels aériens remportés depuis le début de saison), ce qui lui permet de lancer un coéquipier dans le dos d’un latéral adverse comme au Parc…
… ou de se créer un but comme à Nantes.
Cinquième situation : Paquetá peut aussi être une arme de longue distance. Ici, son lancement vers Toko-Ekambi sera un peu long.
Sixième situation : c’est aussi, évidemment, un appui qui aime trouver les trous dans les demi-espaces.
Créateur insatiable, Lucas Paquetá a logiquement attrapé les regards à la suite de sa soirée zéro déchet au Parc. Plusieurs de ses mouvements ont marqué les esprits, notamment un à la 70e minute où on l’a vu gratter un ballon dans les pieds de Paredes, puis trouver un super relais avec Shaqiri le long de la ligne de touche avant de retrouver le Suisse face au jeu et à la surface du PSG. Un PSG plutôt à l’aise avec ballon tout au long de la soirée face à une organisation défensive lyonnaise qui a souvent laissé les demi-espaces ouverts, mais qui a parfois peiné à contenir les déplacements d’un joueur pourtant essentiel, car chargé de venir former une supériorité numérique au milieu, comme sur cette séquence où Paquetá aurait dû être suivi par un défenseur central parisien :
Buteur, le Brésilien aurait pu être le héros de la soirée. Pari perdu, mais un autre pari semble pour de bon gagné : à Lyon, Lucas Paquetá est bien devenu le héros que tout le monde rêvait de le voir devenir, un joueur insouciant, créatif et hargneux. Un danseur heureux. Une pièce de puzzle essentielle dont la Ligue 1 doit profiter. Il sera peut-être bientôt trop tard.
Par Maxime Brigand