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La Juventus sous haute tension

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La scène est si inhabituelle qu’elle suffit, à elle seule, à résumer le début de saison de la Juventus. Au coup de sifflet final de la rencontre entre la Juve et le Milan, terminée sur le score de 1-1, Max Allegri a quitté son banc furieux, et s’est dirigé vers les vestiaires. Sur le court chemin qui le sépare de l’entrée du tunnel, le coach a laissé exploser sa colère. Problème : avec des téléphones portables branchés en permanence et des tifosi à l’affût, ses propos se sont retrouvés sur les réseaux sociaux quelques instants plus tard. « Porca puttana ! s’exclame Allegri. E questi voglion’ giocà nella Juve ! » Traduction du dialecte : « Putain de merde ! Et ces gars-là veulent jouer à la Juve ? » Ces fameux « gars-là » , ceux ciblés par l’entraîneur, ce sont ceux qui, selon lui, sont responsables d’avoir laissé filer la victoire face à Milan. Même s’ils n’ont pas été cités ouvertement, on pense évidemment à Moise Kean et Dejan Kulusevski, entrés en jeu face à Milan et qui ont raté à peu près tout ce qu’il était possible de rater. Après la rencontre, un échange animé aurait également eu lieu entre Wojciech Szczęsny et Adrien Rabiot dans les vestiaires. Bref, c’est la tempête à bord, et Allegri va devoir rapidement reprendre la barre s’il ne veut pas que son navire chavire.

Pire départ depuis 60 ans

De Milan à Milan, les maux sont coriaces. Le 9 mai dernier, lors d’un match décisif dans la course à la Ligue des champions, la Juventus de Pirlo se faisait cartonner par un Milan qui allait finir en trombe sa saison. Ce jour-là, rien n’avait fonctionné pour les Turinois, et plus que jamais, le côté « fin de cycle » s’était fait ressentir. Un peu plus de quatre mois plus tard, la prestation bianconera face aux mêmes Milanais a été plus convaincante, notamment pendant la première période. Mais le fait de ne pas avoir réussi à conserver le résultat prouve que le mal est profond. Et il suffit de regarder les chiffres pour s’en convaincre.



Avec deux points en quatre journées, la Juventus réalise tout simplement son pire départ depuis la saison 1961-1962. Une année qu’elle avait ponctuée à la douzième place, moins bon classement de son histoire. Autres données qui confirment le caractère inhabituel du moment vécu par les Juventini : c’est seulement la quatrième fois dans toute son histoire que la Juve est toujours à sec de victoires après quatre journées. Plus inquiétant, encore : elle a encaissé au moins un but lors des 18 derniers matchs de Serie A, alors que la défense avait été la pierre angulaire sur laquelle ont été construits les neuf Scudetti, de 2012 à 2020.

Au-delà des hésitations de la phase défensive, c’est tout le système tactique qui est pour le moment en proie au doute. Là où les successives Juventus d’Allegri avaient des certitudes tactiques et techniques en béton armé, cette Juve-là ne semble pas encore avoir trouvé son système. Ce qui est normal, quelque part. Les Bianconeri ont dû apprendre, pendant trois ans et avec trois entraîneurs différents, à jouer avec, autour et pour Cristiano Ronaldo, modifiant clairement les habitudes prises sous Conte puis Allegri. Et voilà qu’après trois années, il faut tout déconstruire et tout reprendre à zéro.

Trouver le système, trouver les hommes

Si Allegri ne s’est pas encore fixé sur un système, il n’a pas non plus trouvé ses hommes. En quatre journées de championnat, il a déjà utilisé trois schémas tactiques et 19 titulaires différents (seuls Szczęsny et Bonucci ont été titulaires quatre fois sur quatre). Face à l’Udinese (2-2) et Milan (1-1), Allegri a aligné un 4-4-2, les deux fois avec le duo Morata-Dybala en pointe, alimenté par les ailiers, Cuadrado-Bernardeschi ou Cuadrado-Rabiot. Justement, contre Milan, le fait d’étirer le bloc et de passer régulièrement sur les ailes a fonctionné en première période. Mais à partir du moment où les Milanais ont compris, et qu’ils ont neutralisé les côtés, Allegri n’avait pas de plan B. Et le coach, s’il n’hésite pas à tirer à boulets rouges sur ses propres joueurs, sait aussi faire son auto-critique à ce sujet. « Nous devons apprendre à comprendre rapidement les moments du match et comprendre que chaque ballon peut, à un certain moment, devenir décisif. Face à Milan, moi-même je n’ai même pas fait les changements que j’aurais dû faire. »

Lors des deux défaites, concédées face à Empoli (0-1) et Naples (1-2), Allegri avait respectivement opté pour un 4-3-1-2, avec McKennie en soutien de Chiesa et Dybala, et un 4-3-3, avec un trident Bernardeschi-Morata-Kulusevski. Mais au regard des résultats, le coach n’a pas insisté, et est repassé sur un 4-4-2 qui a semblé mieux convenir aux joueurs, du moins pendant une bonne partie de la rencontre. Néanmoins, même avec ce système, des lacunes sont apparues (Locatelli peu à l’aise dans le rôle de regista), et la Juve a confirmé qu’elle ne parvenait pas à conserver sa concentration pendant 90 minutes. La preuve : elle n’a pas encore gagné le moindre match, alors qu’elle a ouvert le score face à l’Udinese, Naples et Milan.

Dès lors, le match de ce mercredi soir face au Spezia Calcio devient déjà capital. La Juventus doit enfin se mettre en route, aussi pour se libérer mentalement. Surtout, elle doit parvenir à s’affranchir de Cristiano Ronaldo. La saison dernière, le Portugais a souvent été l’arbre qui cachait la forêt. Il y a un an, lors de ce même match face à Spezia, par exemple, il s’était offert un doublé qui avait ouvert la voie au succès des Turinois (1-4). Son départ laisse la Juve face à elle-même. Face à ses forces, ses faiblesses, ses certitudes, ses doutes, ses peurs. Et face à un classement qui la voit déjà compter dix points de retard sur le leader napolitain.

Par Éric Maggiori

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