Guérilla, coke et titulaire en CONCACAF League à 60 ans : à la rencontre de Ronnie Brunswijk
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Le fiston et des biftons
Au coup d’envoi, c’est évidemment la stupeur et l’amusement dans le stade. Avec sa bedaine, son maillot trop moulant, et son numéro 61 dans le dos (son année de naissance), Ronnie Brunswijk est dans le rond central pour donner le coup d’envoi de cette rencontre qui compte pour le tour préliminaire de la Ligue des champions CONCACAF. Le grand n’importe quoi ne s’arrête pas là. Aux côtés de Brunswijk, en attaque, on trouve… Damian Brunswijk, 21 ans, qui n’est autre que le fiston du vice-président. Notre sexagénaire va tenir 54 minutes, ne marquera malheureusement pas de but (cela aurait été dingue) et ne pourra rien faire pour empêcher la raclée encaissée par son équipe : 6-0. À la fin de la rencontre, il a été filmé arrivant dans le vestiaire des joueurs adverses, torse nu, en train de distribuer des billets, en toute sérénité. Bah quoi ? On n’a pas le droit de faire plaisir à ses invités ?
? | Amérique? | Scène surprenante après le match où Ronnie Brunswijk est venu distribuer des billets aux joueurs adverses !⚖ | Il ne sera pas présent au match retour car il est condamné à 10 ans de prison par la France.? | @ArnoldcommaJonpic.twitter.com/AAsTOJT8Vs
— Derniers Défenseurs (@DerniersDefs) September 22, 2021
Avec cette apparition, Ronnie Brunswijk établit deux nouveaux records de la CONCACAF League : il devient le joueur le plus âgé à avoir pris part à un match de cette compétition, et le premier à être aligné aux côtés de son fils. Et il n’en est pas à son coup d’essai. En 2009 et en 2011, alors âgé de 48, puis de 50 ans, il avait pris part à des rencontres du championnat des clubs caribéens de la CONCACAF, déjà avec l’Inter Moengo Tapoe. En 2009, il était entré en jeu quelques minutes face à Centro Barber et San Juan Jabloteh. Puis, en 2011, il s’était autotitularisé face aux Guyanais de Milerock, avait disputé 50 minutes, puis avait été remplacé par Jordan Brunswijk… son neveu, buteur au match aller.
Guérilla, cocaïne et Interpol
Dire que Ronnie Brunswijk est un drôle d’oiseau est un euphémisme. Son CV parle pour lui, et il est tout simplement incroyable qu’un tel personnage soit aujourd’hui vice-président d’une République. En 1980, il était sergent dans l’armée du Suriname lors du coup d’État mené par Desi Bouterse. Il accuse dans la foulée sa hiérarchie de « racisme envers les nègres marrons » et déserte pour la rébellion. Il crée alors son propre groupe de guérilla, le Jungle Commando, qui va lutter de 1986 à 1992 lors de la guerre civile qui détruit le Suriname. Mais le groupe va mal tourner et son leader aussi. Le Jungle Commando passe de groupe de guérilla à groupe de grand banditisme.
Sous les ordres de Brunswijk, il s’attaque à la banque de Moengo et trempe dans tous les trafics possibles et imaginables : de l’essence aux armes, en passant par l’or et la drogue. Pour l’ensemble de ses actes, Ronnie Brunswijk est condamné par contumace à six ans de prison, officiellement pour trafic de cocaïne. Interpol délivre même un mandat d’arrêt international à son encontre. Pas franchement emmerdé par ces déboires judiciaires, il se reconvertit dans la politique au milieu des années 1990, en créant notamment le Parti pour la libération générale et le développement. Il devient député en 2000 et 20 ans plus tard, en 2020, il est élu président de l’Assemblée nationale, puis vice-président du pays.
Ah, un dernier détail pour situer encore un peu plus le bonhomme. Le match auquel Brunswijk a participé mardi soir s’est disputé au Frank Essed Stadion, dans la capitale Paramaribo, parce qu’il s’agissait d’un match important. Mais d’ordinaire, l’Inter Moengo Tapoe dispute ses matchs à domicile à quelques kilomètres de là, dans la ville même de Moengo, dans une enceinte qui s’appelle… le Ronnie Brunswijkstadion. Le culte de la personnalité à son apogée.
Par Éric Maggiori