C'est quoi ce projet de Superligue en Afrique ?
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Infantino et les 2,5 milliards d’euros
L’Afrique pourrait réussir là où plusieurs grands clubs européens, dont le Real Madrid, le FC Barcelone, Manchester United, Liverpool ou la Juventus, désireux de créer une Superligue avant de se ramasser lamentablement, avaient échoué. L’idée avait été lancée par Gianni Infantino en novembre 2019 à Lubumbashi, à l’occasion du 80e anniversaire du TP Mazembe (RD Congo). « L’idée serait de réunir les vingt meilleurs clubs africains, capables d’engendrer des revenus à hauteur de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans » , avait résumé le président de la FIFA, lequel y avait fait allusion trois mois plus tard au Maroc, à l’occasion d’un séminaire CAF-FIFA. La crise sanitaire, les problèmes internes de la CAF et l’élection pour succéder au Malgache Ahmad Ahmad avaient fait passer cette suggestion au second plan. Patrice Motsepe, le nouveau boss du football africain depuis le mois de mars dernier, l’a replacée au centre des débats, pas plus tard que le 20 juin dernier. Le Sud-Africain s’était fendu d’un communiqué de presse, révélant que « des discussions (sur ce projet de Superligue) avaient été entamées » , avec le souci de rendre « le football africain autosuffisant et plus compétitif » .
Vingt clubs, oui, mais lesquels ?
Le milliardaire, contrairement à son pote Infantino, ne s’était pas hasardé, en bon businessman, à balancer des chiffres sans expliquer les détails du pactole supposé. Dans l’esprit des décideurs, cette Superligue serait réservée à vingt clubs. Mais lesquels ? Et à quel tarif, puisqu’un ticket d’entrée serait probablement exigé ? Logiquement, les clubs ayant remporté la Ligue des champions, tels Al-Ahly et Zamalek (Égypte), le TP Mazembe et l’AS Vita Club (RD Congo), l’Espérance de Tunis et l’Étoile du Sahel (Tunisie), l’ASEC Abidjan (Côte d’Ivoire), le Raja Casablanca et le WAC Casablanca (Maroc), le MC Alger et la JS Kabylie (Algérie) ou encore les Sud-Africains de Kaizer Chiefs et Mamelodi Sundows (dont Motsepe est le propriétaire, NDLR) ont le profil. Mais la liste pourrait s’allonger, avec des postulants au palmarès certes vierges en C1, mais qui sont devenus des habitués de la phase de groupes. On pense à Horoya (Guinée), aux Soudanais d’Al-Hilal et Al-Merreikh ou aux Tanzaniens du Simba SC. Les dirigeants du club basé à Dar es Salam s’y voient déjà, puisqu’ils ont affirmé « leur hâte d’y participer » , par la voix de Barbara Gonzalez, leur directrice générale.
You (ASEC Abidjan) : « C’est inéluctable »
Les discussions menées par Ahmed Ould Yahya, et auxquelles participent – discrètement – des membres de la FIFA, vont évidemment tourner autour de l’identité des heureux élus. Ridha Charfeddine, le président de l’Étoile du Sahel, n’est pas formellement opposé à l’idée, mais en avançant tout de même certaines conditions : « D’abord, contrairement à ce que vous avez vécu en Europe, ce projet vient de la CAF, et non d’un groupe de clubs. Si cette Superligue voit le jour, il ne faudrait pas qu’elle concurrence les championnats nationaux. Et qu’elle ne divise pas le football africain. Mais nous devons constater que la Ligue des champions et la Coupe de la CAF ne sont pas rémunératrices. » La C1 rapporte ainsi 2,170 millions d’euros au vainqueur et 1,08 million au finaliste. Les demi-finalistes empochent 695 000 euros, les quart-de-finaliste 565 000 et les équipes éliminées en phase de groupes 475 000. « Quand on connaît les frais engendrés par les voyages, sur un continent où les liaisons aériennes sont parfois compliquées… Si cette Superligue engendre des revenus beaucoup plus importants, pourquoi pas ? » poursuit le dirigeant tunisien.
Seck (Diambars) : « Si c’est pour copier le modèle européen qui a avorté… »
Benoît You, le directeur général de l’ASEC Abidjan (Côte d’Ivoire), qui ne sait pas encore s’il doit être favorable ou non à ce projet, est toutefois convaincu qu’il va aboutir : « C’est à mon avis inéluctable. La principale question, c’est le critère de sélection. Si c’est une Ligue fermée, et qu’un club comme l’ASEC n’a aucune chance de l’intégrer, je suis contre, car cela va encore plus creuser les inégalités. On verra toujours les mêmes matchs, et seuls les gros clubs en profiteront. Si c’est une Ligue ouverte, je suis pour, parce que cela signifierait que le mérite sportif est pris en compte. »
Depuis Saly, Saer Seck, le président de Diambars (Sénégal), affiche clairement son hostilité à cette Superligue africaine. « Si c’est pour copier le modèle européen qui a avorté… Ce sera une compétition élitiste, surtout réservée aux équipes d’Afrique du Nord et d’Afrique du Sud. Où serait la logique sportive si le 7e du championnat marocain, sous prétexte que c’est un grand club, y participe ? s’interroge l’ancien patron de la ligue sénégalaise. Je n’ai pas envie de voir des Al-Ahly-Espérance à satiété, de voir les plus riches s’enrichir et les autres stagner ou s’appauvrir. La CAF devrait plutôt engager une réflexion pour valoriser la Ligue des champions et la Coupe de la confédération, pour les rendre plus médiatiques et plus intéressantes financièrement. » Pas sûr que cette alternative intéresse Motsepe.
Par Alexis Billebault